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Delaunois, Paul : Perspectives en matière de protection de l’environnement - La proposition de traité de Constitution de l’Union européenne

Les “Green Nine” [1] ont étudié le contenu de la “proposition de traité de Constitution” de l’UE (Union européenne) par rapport aux attentes des différentes ONG (organisations non gouvernementales) européennes de protection de l’environnement. Il ressort de cette analyse assez mitigée que le Traité ouvre des perspectives intéressantes pour les volets environnement, santé publique et développement durable, ainsi qu’on y note des avancées sérieuses en ce qui concerne la démocratie participative et un meilleur contrôle démocratique des prises de décision qui deviendront plus transparentes.

Malheureusement, dans bien d’autres domaines comme l’agriculture, les transports ou encore l’énergie, le Traité se contente de reprendre les dispositions antérieures sans y apporter de changement et surtout sans les mettre en perspective.

Les questions des pendants du Oui ou du Non restent donc sans réponse tranchée. Devons-nous nous contenter des avancées obtenues ou bien réfuter en bloc la proposition actuelle en attendant une prise en compte de toutes nos revendications ? C’est effectivement à ce niveau que nous devrons choisir lors du referendum car cette situation se répète dans la plupart des autres problématiques.

Comparaison entre les revendications des ONG et les résultats obtenus dans le Traité

Dans le processus ayant conduit à la rédaction de la proposition du Traité, de nombreuses ONG ont apporté leur contribution. En matière d’environnement, nous avons la chance que les principales organisations internationales soient regroupées au sein d’une structure (les Green Nine) ce qui a permis de coordonner les propositions des différentes ONG et de renforcer le lobby au niveau européen en ce qui concerne la protection de l’environnement.

Les principales revendications des “Green Nine” peuvent être résumées comme suit.

Retenir les objectifs de la protection de l’environnement et du développement durable

La politique de l’Union dans le domaine de l’environnement contribue à la poursuite des objectifs suivants :
a) la préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement ;
b) la protection de la santé des personnes ;
c) l’utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles ;
d) la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l’environnement.

La politique de l’Union dans le domaine de l’environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de l’Union. Elle est fondée sur les principes de précaution et d’action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement et sur le principe du pollueur-payeur.

Dans ce contexte, les mesures d’harmonisation répondant aux exigences en matière de protection de l’environnement comportent, dans les cas appropriés, une clause de sauvegarde autorisant les États membres à prendre, pour des motifs environnementaux non économiques, des dispositions provisoires soumises à une procédure de contrôle par l’Union.

Les principaux objectifs de la politique environnementale européenne tel que le principe de prévention, celui de pollueur payeur ou encore de précaution ont donc été intégralement retenus dans le Traité ce qui est encourageant car le risque de voir “détricoter” des législations contraignantes ou l’abandon des principes “forts” donnant des moyens d’action aux ONG était perceptible.

De même le principe du développement durable qui s’appuie sur “un développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs” figure intégralement dans le Traité. “L’Union oeuvre pour le développement durable de l’Europe “, stipule l’alinéa 3 de l’article I-3 de la Constitution européenne. D’emblée, le traité constitutionnel européen semble donc placer le développement durable au centre de ses préoccupations. Ce qui ne remettra donc pas en cause l’approche du développement fondée sur l’équilibre à trouver entre croissance économique, la préservation des écosystèmes et les améliorations sociales. De plus, le principe du développement durable encourage l’instauration d’une équité dans les relations internationales Nord-Sud, la modification des modes de production et de consommation, l’accès à la santé et à l’éducation, l’amélioration des conditions de vie, la protection de l’environnement naturel (l’atmosphère, les océans, les forêts, la biodiversité) et la promotion d’une agriculture respectueuse de l’environnement et de la santé.

La notion de développement durable et l’impératif de la protection de l’environnement apparaissent ainsi à de nombreuses reprises dans le texte, notamment dans les parties I et II consacrées aux objectifs et aux droits fondamentaux de l’Union. Pour l’essentiel, ces préoccupations étaient déjà présentes dans les traités précédents, mais quelques nouveautés méritent d’être soulignées. Ainsi, le préambule introduit deux notions nouvelles. Il s’agit de l’importance accordée à la transparence de la vie publique et l’affirmation de la responsabilité des peuples d’Europe à l’égard des générations futures. “Cette seconde expression constitue un engagement exprès et vraiment nouveau” souligne Raphaël Romi, professeur de droit à l’université de Nantes. Autre nouveauté : dans ses relations avec le reste du monde, l’Union se fixe désormais pour objectif de contribuer au développement durable de la planète, à la solidarité entre les peuples, au commerce libre et équitable, à l’élimination de la pauvreté et à la protection des droits de l’Homme.

Loin de camper les institutions européennes dans un cadre de bonnes intentions, le Traité ne remet donc pas en cause le “modèle européen” mais en préserve les spécificités et permet l’instauration de politiques intégrées sur les trois piliers (cf stratégie de Lisbonne, etc.).

Cependant, si la notion de développement durable est reprise de nombreuses fois dans le texte, elle est malheureusement bien souvent dénuée de force juridique, pour la simple et bonne raison que le développement durable n’a pas de définition juridique en tant que telle. Celle introduite par le texte constitutionnel est sans doute trop large pour être opposable devant une juridiction. Elle lie en effet la croissance économique, la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, le plein emploi et la protection de l’environnement.

La démocratie participative et la transparence

Le Traité introduit le principe de la démocratie participative au niveau des textes législatifs européens. Malgré le fait que ce terme générique ne soit pas clairement défini, il permettra dorénavant d’apporter une base juridique solide et étendue au droit d’être écouté et au droit à l’information.

Une autre innovation du Traité est l’apparition dans les textes du droit à l’initiative citoyenne. Lorsqu’un million de citoyens européens se regrouperont derrière une demande précise, ils pourront réclamer à la Commission, comme c’était le cas uniquement auparavant pour le Conseil, de préparer une proposition de texte législatif.

Par exemple, dans le cas des OGM (organismes génétiquement modifiés), les états membres ne parviennent pas pour l’instant à dégager une majorité qualifiée au sein du Conseil pour réclamer l’instauration d’une législation en phase avec l’attente de la majorité des citoyens européens, dès lors la Commission avance en “aveugle” sans règle clairement définie. Une initiative citoyenne coordonnée par les ONG pourrait mettre fin à cette situation pour le moins incohérente.

L’accès à l’information a été étendu à toutes les institutions européennes, de même la transparence sur la prise de décision sera dorénavant garantie par le nouveau Traité, s’il entre en vigueur, le Conseil devant tenir ses réunions et l’ensemble de ses votes en session publique.

Dans cet ordre d’idée, le pouvoir de co-décision du Parlement européen a été largement élargi dans un grand nombre de domaines (commerce, affaires générales, recherche, ...). Bien que beaucoup d’entre eux ne concernent pas les politiques environnementales, il convient pourtant de souligner que le Parlement voit son pouvoir de contrôle étendu sur l’entièreté du budget de l’Union européenne, y compris les dépenses agricoles.

Pourtant, malgré ces avancées positives, nous ne pouvons passer sous silence la disparition du principe de la prise de décision à l’unanimité des états membres pour les questions environnementales qu’introduit le Traité. La disparition de facto des “minorités de blocage” ne pourra avoir que des répercutions négatives sur les matières les plus sensibles et renforcera le poids relatif des “grands états” par ailleurs les moins progressifs en matière de protection de l’environnement.

Euratom

Le Traité ne redéfinit pas le statut légal d’Euratom. C’est-à-dire que la “communauté” Euratom restera légalement une organisation distincte de l’UE ce qui imposera la rédaction d’un nouveau protocole de collaboration entre les deux entités (EU et Euratom).

Malgré le fait que cinq états membres (Autriche, Allemagne, Irlande, Hongrie et Suède) aient d’ores et déjà formellement appelé à réviser “as soon as possible” le traité Euratom qu’ils jugent obsolète, le Traité passe sans doute à côté d’une chance historique de déforcer la position déterminante en matière énergétique de l’EAEC (European Atomic Energy Community).

Si dans un premier temps on pouvait se féliciter de la non intégration d’Euratom dans le Traité, ce qui a préservé le texte du Traité de la “pollution” du contenu pro-nucléaire complètement dépassé et inapproprié, nous devons aussi nous rendre compte que cet état de fait ferme désormais les portes à toute renégociation sur Euratom et n’en permettra pas non plus la réforme.

Conclusions

Le principe d’intégration des exigences de protection de l’environnement dans les politiques de l’Union, s’il n’est pas nouveau, se retrouve de manière plus systématique dans le Traité. Le droit des citoyens à un environnement sain, quant à lui, n’est pas explicitement inscrit dans le texte. Il est toutefois présent, grâce à l’article I-9, qui stipule que “les droits fondamentaux tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme font partie du droit de l’Union”. Ceci inclut donc la jurisprudence communautaire qui a développé, au cours de la dernière décennie, un droit fondamental à un environnement sain.

En renforçant le pouvoir du Parlement, le Traité devrait donner mécaniquement plus de poids à la protection de l’environnement dans les politiques communautaires. Les députés européens ont toujours été plus favorables que le Conseil à un verdissement des politiques. L’introduction d’un droit de pétition, donnant la possibilité à un million de citoyens appartenant à un nombre significatif d’Etats de demander à la Commission de présenter une proposition de loi, pourrait aussi faciliter l’action des ONG environnementales.

Dernière avancée notable, l’article III-256 posant les bases juridiques des mesures dans le domaine de l’énergie réserve une large place aux préoccupations environnementales. Cette partie confirme que la politique énergétique européenne doit être menée selon les principes du développement durable. La promotion de l’efficacité énergétique, des économies d’énergie et des énergies renouvelables y est ainsi clairement affirmée.

Toutefois, malgré ces points, la Constitution européenne ne semble pas modifier en profondeur le droit européen de l’environnement. Et il est sans doute dommage que le principe d’information et de participation n’ait pas été ajouté dans la section consacrée à la politique environnementale de l’Union aux côtés des principes de précaution, de prévention et du pollueur-payeur. Enfin, la Constitution aurait pu être l’occasion d’affirmer la prise en compte du développement durable dans certaines politiques particulièrement sensibles. Cela n’est pas le cas. Ainsi, le terme de développement durable n’apparaît pas dans la section consacrée à la politique des transports.

Paul Delaunois
L’auteur est Directeur de Greenpeace Luxembourg

[1] Les “Green Nine” regroupent les principales organisations non gouvernementales de protection de l’environnement oeuvrant au niveau européen : Birdlife International, CAN Europe (réseau européen d’action pour le climat), BEE (Bureau européen de l’environnement), EEN (European Public Health Alliance Environmental Network), FoE Europe (Friends of the Earth), FoN International (Amis de la nature), Greenpeace, T&E (European Federation for Transport and Environment) et le WWF.

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